Traiter la douleur après une opération du genou

Mise à jour le 9 octobre 2024

Définition de la douleur

Selon la définition officielle de l'Association internationale pour l'étude de la douleur (IASP),

"La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes".

La douleur reposant donc avant tout sur le ressenti du patient, cela la rend difficile à quantifier et à qualifier. De plus, elle n'est pas systématiquement liée à une lésion, une caractéristique qui complexifie encore son étude.

La douleur ressentie déclenche toujours une émotion qui dépend de beaucoup de facteurs.

Douleur et Emotion

La douleur après l'opération est une source d'inquiétude lorsque nous devons prendre la décision de se faire opérer. Il faut savoir qu'aujourd'hui, la prise en charge de la douleur est considérée comme fondamentale par l'équipe de praticiens et d'infirmières. Nous avons tout ce qu'il faut pour traiter vos douleurs.

L'inquiétude, le stress PRE-opératoire, augmentent le risque d'avoir mal après une intervention; c'est pourquoi je vous propose de vous intéresser à la douleur et à ses traitements.

Vous pouvez même profiter de cette occasion (votre opération) pour découvrir des techniques nouvelles pour vous comme la méditation.

Prévoir, évaluer, vous écouter

Soulager la douleur, c'est d'abord prévoir (savoir ce qui fait mal, pendant combien de temps, à quel moment et comment le prévenir), c'est aussi évaluer, (la douleur évolue avec le temps et n'est pas identique pour tout le monde dans les mêmes circonstances...), c'est écouter votre ressenti personnel et adapter le traitement à votre cas (extrait du livret à propos de la douleur qui vous sera remis lors de votre hospitalisation ou lors de la consultation avec l'anesthésiste).

Nous dire quand vous avez mal

Vous serez entourés et régulièrement, on vous demandera d'évaluer vos douleurs. Mais il faut aussi nous dire si vous avez mal et ne pas hésiter à appeler l'infirmière (en particulier la nuit). De même, il faut m'en parler lorsque je fais ma visite (j'ai eu très mal cette nuit mais je n'ai pas osé appeler l'infirmière...). N'hésitez pas.

La consultation d'anesthésie

La consultation d'anesthésie est un temps fort pour trouver des réponses avec votre anesthésiste, aux questions que vous vous posez sur la douleur.

La prise en charge de la douleur

La douleur postopératoire est de type inflammatoire.

La douleur peut être inflammatoire, neuropathique ou mixte. Ici, elle est essentiellement d'origine inflammatoire. L'inflammation est le processus nécessaire à la réparation tissulaire. Son activation entraîne la libération locale de substances dites "algogènes" qui se fixent sur les récepteurs de la douleur des filets nerveux.

Avant l'intervention

La prise en charge de la douleur commence avant l'intervention par la prise d'anti-inflammatoires (celecoxib) pendant 48h. Son effet a été prouvé : sa prise permet de diminuer la quantité de morphiniques postopératoires.

Pendant l'opération

Pendant l'opération, par les infiltrations effectuées localement par le chirurgien au niveau du site opératoire et par l'anesthésiste qui vous donne ce qu'il faut dans la perfusion pour préparer votre réveil.

En salle de réveil

Echelle visuelle d'évaluation de la douleur

A votre réveil, les infirmières vous demanderont si vous avez mal et vous aideront à évaluer votre douleur : le traitement sera adapté à votre ressenti.

Les douleurs au réveil de l'opération seront traitées au fur et à mesure : nous avons ce qu'il faut !

Soyez actifs !

Dès votre réveil, bougez doucement vos orteils puis votre cheville. Réveillez doucement votre quadriceps en faisant l'exercices de l'écrase coussin sans coussin. Il s'agit de reprendre contact avec la réalité; l'idée est de vous lever le soir. Petit à petit, vous allez vous rendre compte que c'est de moins en moins gènant de contracter le muscle, de verrouiller votre genou.

Et vous irez déjà beaucoup mieux avant même de quitter la salle de réveil.


Les médicaments de la douleur (les antalgiques)

Les antalgiques de palier 1

Destinés à traiter les douleurs légères ou modérées, il s'agit du paracétamol ou des AINS tels que l'ibuprofène, le kétoprofène, le naproxène… et l'acupan.

Palier 2

Destinés à traiter des douleurs modérées ou sévères ou des douleurs qui ne sont pas assez soulagées par les antalgiques de palier 1.

Codéine, et tramadol peuvent être utilisés seuls ou associés au paracétamol ou aux anti inflammatoires.

Palier 3

Destinés à traiter des douleurs intenses qui sont rebelles aux autres antalgiques (morphine et de ses dérivés).

Pour votre confort, le but est d'essayer plutôt les autres médicaments mais la morphine reste, bien sûr, disponible en cas de besoin. Notez que la pompe à morphine est très peu utilisée dans le cadre des prothèses du genou.

Les autres traitements disponibles

Le froid

Le glacage est toujours efficace. Il faut protéger la peau par un tissu pour éviter les brulures.

Le mécanisme d'action est interessant : la perception du froid affaiblit le message de la douleur. Il en est d'ailleurs de même pour le massage de votre genou.

Les blocs péri-nerveux

L'anesthésiste peut infiltrer localement le pourtour du nerf en le repèrant sous échographie : en injectant un anesthésiant (naropeine en général), il "endort le nerf" qui ne transmet plus le signal douloureux au cerveau. Sa durée d'action est variable en fonction du produit injecté et des adjuvants. Ils ne sont pas du tout systématiques en postopératoire.

Le bloc du nerf fémoral (en haut de la cuisse) est abandonné après les ligamentoplasties, car il entraînait une amyotrophie relative du quadriceps.

Dans la chirurgie prothètique, le bloc dit des "adducteurs" est discuté au cas par cas.

En savoir plus

Le chemin de la douleur


Dessin du chemin de la douleur

La chaleur, le froid, la pression trop importante, l'inflammation vont stimuler des récepteurs qui se trouvent un peu partout dans le corps : sous la peau, dans les os, dans les articulations.

Cette stimulation du récepteur entraine des échanges d'ions positifs et négatifs au niveau de la membrane des cellules : cela fait naître l'influx nerveux dans le neurone (la fibre du nerf).

Cet influx se propage le long (de l'axone) du nerf vers la colonne vertébrale. L'arrivée de l'influx au niveau du noyau du neurone dans la moelle épinière, entraîne la libération d'un médiateur chimique.

Ce médiateur va à son tour stimuler des neurones de la moelle, qui vont apporter l'information au cerveau (perception de la douleur).

Notez qu'un neurone moteur peut être stimulé de façon réflexe, entrainant immédiatement, si besoin, un geste de dégagement de la source de douleur.

C'est ensuite que le cerveau intervient dans le traitement de l'information douloureuse (la sensation).

Perception et sensation

Perception de la douleur

La perception est un phénomène sensoriel transmis au cerveau par les neurones (nerfs) sous la forme d'un signal électrique. Elle varie selon le stimulus qui génère ce signal électrique.

Sensation douloureuse

La sensation, quant à elle, résulte du processus d'interprétation de ce signal électrique par notre cerveau qui dépend, entre autres, de l'état de santé de chaque individu, de son âge et de l'environnement. Une même douleur peut ainsi être ressentie de manière différente suivant les personnes.

Les douleurs chroniques postopératoires

Elles sont rares, mais peuvent persister longtemps. Elles peuvent être d'origine neuropathique.

Prévention et facteurs de risque

L'utilisation du garrot

Le garrot est souvent retrouvé comme facteur de risque dans les études réalisées.

Je n'utilise pas de garrot pour la pose de prothèse du genou.

Pour la reconstruction du ligament croisé antérieur, je n'utilise pas de garrot pendant la prise de la greffe et sa préparation. Par contre, le garrot est indispensable pendant le geste sous arthroscopie (30 à 45mn selon les gestes associés méniscaux).

La prévention des douleurs aigues post opératoires

Il est important d'empêcher l'apparition de douleurs aigues le soir et les deux premiers jours post opératoires.

Pour le ligament croisé

La prise d'anti-inflammatoires pendant 48h avant l'opération, l'anesthésie loco-régionale (dite "rachi-anesthésie"), l'injection de produits anesthésiants dans le site opératoire par le chirurgien, la pose d'un bandage élastique pendant 48h et l'engagement rapide du ou de la patiente, dans l'auto rééducation immédiate permettent en général des suites peu douloureuses après cette chirurgie.

Après prothèse du genou

Les mêmes principes sont appliqués avec une efficacité équivalente, mais persiste une période plus ou moins douloureuse le lendemain soir de l'opération et lors de la deuxième nuit.

Prévention côté patient

La prévention repose sur l'éducation du patient par rapport à la gestion de la douleur et sur l'engagement du patient dans de petits exercices d'autorééducation répétés au cours de la journée, avant et après l'opération.

Autres voies de traitement

Comment utiliser notre cerveau pour améliorer nos douleurs ?

Une technique a fait ses preuves sur la gestion de la douleur : il s'agit de la méditation en pleine conscience; elle permet de prendre du recul, de mettre les choses en perspective, invitant à développer une nouvelle façon de vivre une expérience, même difficile, en l'accueillant avec bienveillance.

"Les efforts consentis par l'individu pour éviter la souffrance, jouent un rôle majeur dans le développement et le maintien de ses difficultés.".

La méditation de pleine conscience est un formidable outil pour prendre du recul sur ses pensées et mettre les choses en perspective. Elle peut nous amener dans un état d'acceptation en nous ramenant dans le moment présent, et nous aider à mieux gérer la douleur.

Vous pouvez essayer facilement !

Ponctuellement pour mieux gérer votre opération

Méditer est manifestement une pratique intéressante au vu des nombreux écrits sur le sujet par des personnes respectables. Ici, il s'agit seulement d'essayer cette technique, cette posture, dans le cadre de la gestion d'une opération chirurgicale et des douleurs l'accompagnant. Les bienfaits sont prouvés scientifiquement.

Chacun peut essayer de se centrer sur sa respiration et ceci aussi bien après une opération que dans la vie quotidienne quand le stress nous prend.

La première étape consiste à trouver un endroit paisible et calme où vous ne vous ferez pas déranger pour quelques minutes. Vous pouvez en faire aussi longtemps et autant de fois que vous les désirez, mais vous pouvez débuter avec 5-10 minutes.

Ensuite, il faut trouver une position dans laquelle vous allez être confortable pour quelques minutes. Nul besoin d'être un yogi pour méditer. Il suffit tout simplement de vous asseoir sur une chaise avec le dos bien appuyé ou de vous coucher sur un tapis de yoga.

Pour la suite, il suffit de focaliser son attention sur sa respiration. Vous pouvez par exemple vous concentrer sur la sensation que procure l'air qui rentre ou qui sort de vos narines. Vous pouvez tout autant vous concentrer sur votre ventre qui gonfle à l'inspiration et qui se dégonfle à l'expiration.

Il est inévitable qu'à certains moments, votre attention ne soit plus sur votre respiration et que plusieurs idées viennent à votre esprit. Ce n'est pas grave. Retournez progressivement votre attention sur votre respiration. L'idée n'est ni de bloquer vos idées, ni de les analyser. Plus vous allez pratiquer, plus il deviendra aisé de maintenir votre attention sur votre respiration.

*Il est possible de pratiquer la pleine conscience de plusieurs façons. En faisant la vaisselle, en marchant, etc.

Si vous voulez en savoir plus sur la pleine conscience dans le cadre de la gestion de la douleur, vous pouvez aller sur ce site médical canadien.

Et pourquoi ne pas continuer par la suite ?

Il semble que prendre l'habitude de méditer régulièrement apporte une certaine qualité de vie...Peut-être apprécierez-vous d'avoir découvert cette technique pendant cette période postopératoire.


Docteur J.E. Perraudin


Congrès international, virtuel sur la douleur

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