Quelle greffe pour reconstruire le LCA ?
Fixation et ligamentisation

Page revue le 12 avril 2023.

L'essentiel

La reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA) consiste à glisser une greffe (ligamentoplastie) dans les tissus rompus restants.

La greffe est un tendon, tissu avec des caractéristiques proches d'un ligament. Plusieurs greffes sont disponibles : les tendons de la patte d'oie (DIDT) et le tendon rotulien (TR) sont les plus utilisés.

La greffe est fixée à l'os par du matériel, résorbable le plus souvent : c'est la fixation "primaire". Vient ensuite la fixation biologique de la greffe sur l'os, appelée fixation "secondaire".

La partie intra-articulaire de la greffe va, petit à petit, se revasculariser (en plusieurs mois); les fibres tendineuses vont se transformer en fibres ligamentaires : c'est la ligamentisation.

Cette ligamentisation entraîne une fragilité de la greffe pendant 7-8 mois, ce qui explique le délai à respecter avant la reprise des sports à pivot, qui sollicitent le ligament croisé antérieur.

Les différents types de greffes

Les autogreffes

L'autogreffe est prélevée sur le patient lui-même.

(Les Allogreffes)

Elles proviennent d'un autre être humain : non utilisées en France, sauf cas très particulier (genoux multi-opérés). Rien n'est pris au patient, mais ces allogreffes sont fragiles.

(Les greffes synthètiques)

Elles ne sont plus utilisées, car rupture quasi-certaine et réactions inflammatoires (expérience des années 85-90). Il existe des travaux de recherche en cours sur les greffons synthètiques, pour le futur.

Critères de choix d'une greffe

Propriétés biomécaniques

  • Ses qualités biomécaniques doivent être proches de celles du ligament normal (résistance, souplesse, diamètre, longueur, ..)
  • Fixation initiale solide
  • Facile à prélever
  • Peu de conséquences au niveau du site où la greffe est prélevée
  • Ligamentisation de bonne qualité

En fonction du patient

L'activité, les sports pratiqués peuvent influencer le choix de la greffe, comme par exemple :

  • Chez les patients qui travaillent à genoux (douleurs fréquentes au contact du sol), on évitera de prélever le tendon rotulien.
  • Chez les pratiquants de Water-polo (rôle important des ces tendons dans le rétro-pédalage, qui leur permet de rester "droits" dans l'eau), on évitera de prélever les ischio-jambiers.

Les greffes prélevées sur le patient (autogreffes)

Le tendon rotulien (TR)

Utilisé dans l'intervention de Kenneth Jones (KJ), il fût longtemps le gold standard de la greffe car sa fixation était simple et efficace.

Avantages TR

  • Facile à préparer
  • Fixation "os-os" solide
  • Souvent utilisé dans les reprises

Inconvénients TR

  • Une perte de puissance de l'extension
  • Un risque de douleurs sur le site de prélèvement, nécessitant de la prudence dans la rééducation
  • Un risque de perte de flexion
  • Des douleurs en s'agenouillant dans 16% des cas

Les tendons ischio-jambiers (DT ou DIDT)

Depuis l'apparition de systèmes de fixation adaptés, ils sont devenus la greffe la plus utilisée actuellement.

Les tendons ischio-jambiers : le droit interne (DI), le demi-tendineux (DT) (d'où l'appellation de l'intervention : DIDT).

Avantages DIDT

  • Solidité,
  • Possibilité de n'en utiliser qu'un seul, le Demi Tendineux (DT), plié en 3 ou 4 (DT3 ou DT4),
  • Greffe à la "carte", à longueur et diamètre adaptable au genou,
  • Petite cicatrice

Inconvénients DIDT

  • Prélèvement parfois délicat
  • Longueur et qualité variable, qui nécessite une préparation soignée.
  • Hématome possible à l'arrière de la cuisse avec ecchymose cutanée plus ou moins nette.
  • Perte de force en flexion (rétropédalage), récupérée par la rééducation.

Le prélèvement des tendons ischio-jambiers

Anatomie

Les muscles ischio-jambiers s'attachent derrière la cuisse sur un os du bassin, l'ischion. Vous pouvez sentir vos ischions sous les fesses en position assise.

Les ischios passent en pont au dessus des articulations de la hanche et du genou. Leurs tendons se fixent sur le tibia, sous le genou en interne (zone appelée la patte d'oie). C'est au niveau de leur insertion sur le tibia qu'ils sont prélevés avec le stripper.

Dessin montrant les ischio-jambiers (muscle et tendon)

Les muscles ischio-jambiers s'attachent derrière la cuisse sur un os du bassin, l'ischion. Vous pouvez sentir vos ischions sous les fesses en position assise.

Les ischios passent en pont au dessus des articulations de la hanche et du genou. Leurs tendons se fixent sur le tibia, sous le genou en interne (zone appelée la patte d'oie). C'est au niveau de leur insertion sur le tibia qu'ils sont prélevés avec le stripper.

Le stripper

Le prélèvement est réalisé avec un instrument appelé "stripper", qui permet de ne faire qu'une petite cicatrice (2 cm).

le tendon est attrapé avec une pince
  • Le tendon est attrapé avec une pince;
  • Le stripper est posé sur le tendon,
  • Glissé sur le tendon, vers le haut de la cuisse,
  • Détachant ainsi les fibres musculaires du tendon,
  • Le muscle se rétracte vers le haut,
  • Le tendon est extériorisé.
le stripper permet de prélever le DIDT par une petite cicatrice

Le tendon prélevé peut être gardé attaché sur le tibia ou libéré du tibia. Je préfère les libérer du tibia, car cela permet de régler précisément la longueur, et donc le diamètre, de la greffe, en les repliant plus ou moins sur eux-mêmes  (du sur-mesure).

En les gardant attachés sur le tibia, la greffe est plus courte et il est malaisé de la replier sur elle-même, ce qui donne souvent une greffe de 7-8 cm de diamètre (voire moins), ce qui, à mon avis, doit être réservé à un petit genou.

Le but est d'obtenir un diamètre de 9 ou 10 mm pour une longueur (6,5 - 7,5 cm); diamètre et longueur doivent être adaptés à la taille du genou.

Cicatrices cutanées pour la reconstruction du LCA par greffe DIDT

Un des avantages de cette greffe des tendons dits de la patte d'oie (DI-DT) est son côté esthétique, non négligeable, par la petite taille des cicatrices.

Le tendon quadricipital (TQ)

  • Solidité
  • Possibilité de prendre une petite baguette osseuse sur la rotule
  • Bonne longueur, bon diamètre
  • Souvent utilisé dans les reprises
  • Peu de conséquences en dehors de la cicatrice

Le Fascia lata

  • De petit diamètre, utilisé en intra et extra-articulaire, en première intention, par quelques chirurgiens (opération du Mac FL),
  • Elle est surtout utilisée pour les reprises.
  • Facile à prélever, mais nécessitant une grande cicatrice externe.
  • De petit diamètre, sa philosophie est différente, associant une plastie intra-articulaire, qui remplace le ligament croisé, et une ténodèse externe.
  • Le fascia-lata est le plus souvent utilisé en extra-articulaire seul, dans la plastie anti-ressaut de Lemaire, ou ténodèse externe.

Quelle greffe en pratique ?

Le choix dépend :

  • Du type de genou opéré (petit, gros),
  • De l'importance de la laxité,
  • De la présence ou non de fibres restantes du LCA (faisceau postéro-latéral),
  • Du type de sport pratiqué par le patient
  • Des greffes déjà utilisées

La greffe la plus pratique pour une première intervention, est celle utilisant les ischio-jambiers (DT ou DIDT). Elle permet en plus de décider de son diamètre et de sa longueur en fonction du genou : un ou deux tendons, pliés en deux, trois ou quatre.

Les autres greffes sont plutôt utilisées

  • Si plusieurs ligaments sont rompus,
  • Lors des reprises en cas de rupture de la plastie (nouvel accident).

Fixation de la greffe

Fixation primaire de la greffe

La greffe tendineuse est d'abord maintenue en place par le système de fixation primaire utilisé par le chirurgien : endobutton sur le fémur et vis d'interférence tibiale associée à fixation des fils de traction dans l'os tibial ( deuxième fixation tibiale) pour ma part. Cette fixation est très solide. Dès la pose de la greffe dans les tunnels osseux, le processus de cicatrisation débute.

Fixation secondaire biologique

Des cellules , les fibroblastes envahissent l'espace entre tendon et os.

A trois semaines post-opératoires (J+ 3 sem), de petits vaisseaux artério- veineux sont visibles. Parallèlement, les ostéoblastes se multiplient à la surface de la paroi osseuse.

A J+ 6 sem, le nombre de vaisseaux sanguins diminue parallèlement à l'apparition d'os neuf et de fibres de collagène qui relient le tendon à l'os (appelées fibres de Sharpey).

A J+ 12 sem, le tendon est pratiquement collé à l'os. Le matériel (endobutton et vis) pourrait théoriquement être enlevé.

Des expériences ont permis de constater qu'après trois mois post-opératoires, c'est la partie intra articulaire de la greffe qui se rompait lorsque la traction était trop forte.

Ligamentisation de la greffe

Le greffon est un élément inerte, privé de sa vascularisation et de son innervation. Sa résistance initiale est suffisante pour se passer d'attelle et marcher prudemment. Dans un premier temps, il va se fixer à l'os dans les tunnels en trois mois environ.

Ensuite, la partie intra-articulaire va subir un processus biologique de "ligamentisation" qui va permettre au greffon tendineux de s'adapter à son nouveau rôle de ligament en modifiant sa structure collagène pour se rapprocher de la structure du ligament.

Processus de ligamentisation

Il a été étudié (Shelbourne) et il se déroule en 4 phases :

Phase 1 de colonisation cellulaire (2 premiers mois),

Phase 2 de remodelage collagénique (2 mois à 1 an) : activité fibroblastique et néovascularisation importantes, zones de dégénérescence.

Phase 3 de maturation (1 à 3 ans) : diminution des cellules et de la vascularisation, maturation des fibres collagéniques.
Phase 4 de quiescence : trois ans après l'implantation, la greffe présente une véritable structure ligamentaire, comparable au ligament croisé normal.

En pratique :

Si le greffon est assez solide pour permettre une mobilisation et une marche précoces, il n'est compatible avec des contraintes en pivot qu'à partir du 6-7ème mois post-opératoire, d'où l'intéret d'essayer d'attendre cette période pour commencer la réathlétisation et la proprioceptivité.

Mais la greffe reste encore potentiellement fragile et la reprise des sports dépend de l'intensité des "pivots" : les sports sans contact (tennis par exemple, ski) peuvent être repris au huitième mois tandis que les sports "pivot et contact" ne doivent être repris qu'à partir du onzième mois par sécurité.

Notez qu'il est bien sûr possible de reprendre plus tôt (protocole de rééducation plus rapide) mais le risque de rupture est plus important; je ne pense pas que prendre ce risque soit logique chez la plupart des patients.


Dr. J.E. Perraudin


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